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Parcours de création : Pénélope Bagieu, auteure et illustratrice de bande dessinée

L'Atelier de Sèvres fête ses 40 ans. 40 années au service de la création contemporaine, dans tous les domaines de l'art et du cinéma d'animation. 40 promotions d'élèves devenus aujourd'hui des artistes reconnus en France et dans le monde entier. Découvrez les portraits de ces anciens élèves qui font aujourd'hui la valeur de notre établissement.

Pénélope Bagieu, auteure et illustratrice de BD, élève de l'Atelier de Sèvres en 2001

Entretien réalisé par Nadine Vasseur

Ses portraits de femmes Culottées, traduits en 17 langues, ont fait le tour du monde. En 2019, ils valaient à Pénélope Bagieu de recevoir le Prix Eisner de la meilleure édition américaine d'une œuvre internationale, l’un des prix les plus prestigieux de la bande dessinée. D’abord publiées sur un blog hébergé par lemonde.fr puis éditées sous la forme d’albums en 2016 et 2017, ces courtes biographies, entre cinq et dix planches, rendent hommages à une trentaine de femmes célèbres ou méconnues, de l’Antiquité à nos jours. Le point commun de ces héroïnes, comme le dit le sous-titre des albums, est d’être Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent. Elles sont journaliste, chanteuse, impératrice, activiste, athlète, médecin, volcanologue, et ont chacune à leur manière bravé les interdits et les normes sociales pour accéder à ce qu’elles désiraient être. Leur parcours individuel est, à ce titre, indissociable de l’Histoire. « J’avais ces femmes en stock depuis longtemps. Je me souviens, par exemple, d’avoir vu enfant Katia Krafft, la femme qui allait dans les volcans, à la télévision. Il suffit seulement d’exercer  son œil et son esprit pour comprendre ensuite ce qu’il y a d’héroïque dans leur destin. C’est vrai pour des femmes dont la vie n’a jamais été mise en valeur, comme de certaines femmes  célèbres. On connaît Joséphine Baker parce qu’elle dansait avec des bananes autour de la taille mais qui connaît son action dans la Résistance puis dans le Mouvement des droits civiques pour l’émancipation des Noirs aux Etats Unis ?  On a dit à la mort de Heddy Lamar que le « plus beau visage du cinéma » avait disparu mais ses inventions ont aussi marqué l’histoire scientifique des télécommunications. » 

Que ses ouvrages soient féministes est pour Pénélope Bagieu une évidence, non de manière concertée mais « parce qu’on ne peut pas séparer ce que l’on fait de ce que l’on pense ». « Culottées s’adresse aux jeunes, garçons comme filles. Leur montrer des modèles forts de femmes, a pour moi du sens. La démarche est la même dans mon dernier album Sacrées sorcières, inspiré du livre de Roald Dahl, qui propose une relecture du thème de la sorcière. C’est une bande dessinée pour enfants mais qui veut, en même temps faire réfléchir sur ce que la persécution des sorcières avait de misogyne.»

Si la carrière de Pénélope Bagieu a démarré sur les chapeaux de roue dès l’obtention du diplôme des Arts décoratifs, son parcours, comme celui de nombreux jeunes artistes, a connu des débuts hésitants. « Je dessinais depuis l’enfance mais à la sortie du bac, j’ai passé une année à me chercher. Je ne savais pas trop quoi faire, j’ai suivi des cours de droit, d’archéologie, j’ai voyagé, fait toutes sortes de petits boulots. Il m’a fallu du temps pour me libérer de ce qu’on m’avait répété à l’école, qu’il fallait avoir un « vrai métier », un « métier sérieux ». L’année suivante, c’est dans le but de préparer le concours des Arts déco qu’elle s’inscrit à l’Atelier de Sèvres.  « Je pensais que j’allais m’y perfectionner en dessin mais j’y ai appris beaucoup plus de choses que cela ! A cette époque, je n’étais presque jamais allée dans un musée, je ne connaissais rien au travail de la couleur, à la perspective. C’est à l’école que j’ai eu mon premier contact avec l’histoire de l’art, que j’ai expérimenté l’aquarelle. En classe prépa, on se frotte à toutes sortes de techniques, c’est rare qu’une telle occasion se représente par la suite ! Plus important encore, l’Atelier de Sèvres a cassé mes certitudes. Comme  beaucoup d’autres étudiants, je croyais bien dessiner, je pensais avoir déjà un style. Mais tout le monde dessinait bien ici, certains même bien mieux que moi. Le découvrir a été une leçon d’humilité, c’est en abandonnant ses certitudes qu’on peut apprendre. Je me souviens par exemple des cours de dessin d’analyse où on nous demandait de dessiner pendant quatre heures le même objet, j’ai compris qu’il fallait ce temps pour voir ce qu’on ne voyait pas au départ. Le travail à l’Atelier de Sèvres était ardu mais je m’y suis consacrée avec passion. C’était la première fois, alors que j’avais détesté l’école, que j’aimais ce que je faisais. Cette année a été en fait un tournant, car c’est alors que j’ai compris que ce métier était vraiment celui que je voulais faire toute ma vie. »

Au terme de cette première année, Pénélope Bagieu échoue pourtant à tous les concours, « un échec là encore très formateur, car je manquais totalement de maturité » ; puis elle réussit l’année suivante les Arts Déco. A la sortie, elle obtient rapidement de nombreux contrats comme illustratrice, pour l’édition, la publicité. Mais c’est surtout par son blog Ma vie est tout à fait fascinante, où elle relate avec humour sa vie quotidienne, qu’elle se fait connaître.  Peu après, le magazine Femina lui commande une bande dessinée hebdomadaire. Ce sera Joséphine, son premier personnage non autobiographique et son premier succès. Les mésaventures de la trentenaire gaffeuse en quête de l’homme idéal sortiront bientôt sous la forme d’albums puis seront adaptées au cinéma. « C’est avec Joséphine que j’ai fait mes gammes dans la bande dessinée. Quand je pense à ce personnage, mais c’était déjà vrai de mon blog, je me rappelle toujours une phrase que m’avait dite un professeur de l’Atelier de Sèvres en regardant mes dessins : « Vous, vous aimez bien dessiner des petites histoires rigolotes. Aujourd’hui, je sais que ce que j’aime faire, c’est observer les détails du quotidien et les traiter de manière drôle. Mais à l’époque, je n’en avais pas du tout conscience. » 

L'auteur
Nadine Vasseur est journaliste et écrivain. Productrice du magazine Panorama sur France Culture pendant quinze ans, elle est, par ailleurs l'auteur de nombreux livres d'entretiens et de livre d'art parmi lesquels " Les Plis" et "Les Incertitudes du corps" parus aux éditions du Seuil. Elle a publié en 2019 "Simone Veil. Vie publique. Archives privées" aux éditions Tohu Bohu.    

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Samedi 23/03 à partir de 11h.

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