Parcours de création : Léa Habourdin, photographe
L'Atelier de Sèvres fête ses 40 ans. 40 années au service de la création contemporaine, dans tous les domaines de l'art et du cinéma d'animation. 40 promotions d'élèves devenus aujourd'hui des artistes reconnus en France et dans le monde entier. Découvrez les portraits de ces anciens élèves qui font aujourd'hui la valeur de notre établissement.
Léa Habourdin, photographe, ancienne élève de l'Atelier de Sèvres 2004
Entretien réalisé par Nadine Vasseur
Le parcours de Léa Habourdin s’est fait au fil de ses intuitions, presque à l’aveugle. « Une amie m’a rappelé récemment qu’au lycée, à la question d’un professeur qui nous demandait ce que l’on voulait faire plus tard, j’avais répondu "Moi, ce que je veux, c’est apprendre" ». Bien que n’ayant jamais eu de pratique artistique, elle décide au sortir du baccalauréat que ce serait en devenant artiste. « J’avais passé un bac scientifique mais devenir artiste s’est imposé à moi comme une évidence. Être dans la création c’était, pour moi, chaque matin questionner le monde. Mais c’était aussi, je l’avais compris, une pratique qui s’apprend, qui ne relève pas seulement du don. Je me suis donc inscrite à l’Atelier de Sèvres pour apprendre. Au début, ça a été très difficile car je ne savais rien faire. Je me souviens qu’au premier cours de dessin de nu, le professeur nous a demandé de dessiner une personne assise sur une chaise. Je n’avais aucune idée de comment m’y prendre. Mais à la fin de cette année, je savais parfaitement dessiner une personne sur une chaise ! Être aux aguets, redessiner les tableaux du Louvre, arpenter les galeries, les ateliers de Sèvres m’ont aussi ouverte aux lieux incontournables de la scène artistique. »
Léa Habourdin prépare à l’Atelier de Sèvres plusieurs concours et réussit celui de l’Ecole supérieure Estienne des arts et industries graphiques (ESAIG) d’où elle sort diplômée en gravure. « J’ai été très heureuse à l’école Estienne mais ce que je voulais faire à la sortie restait encore flou. Je me laissais porter par le destin. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que mon passage à l’Ecole Estienne n’était pas seulement dû au hasard des concours. Cette école est l’école du livre, de l’imprimé, et le livre c’est un peu mon premier amour. » Aujourd’hui, plusieurs de ses livres d’artistes ont rejoint de grandes collections privées comme celle de la Franklin Furnace Foundation à Brooklyn, et d’importantes collections publiques telles celles de la Bibliothèque Nationale de France ou du Centre Pompidou. Au sortir de l’Ecole Estienne, Léa Habourdin entend parler de l’Ecole nationale supérieure de Photographie d’Arles. Elle n’a jamais pratiqué la photographie mais a envie de l’étudier. Elle passe le concours, le réussit, et fait partie à sa sortie en 2010 des quatre étudiants diplômés dont le travail est sélectionné pour être exposé aux Rencontres d’Arles.
Cette exposition en entraîne vite d’autres à Phnom-Penh, Marseille, Berlin, Lianzhou et bien sûr Paris où elle expose notamment au BAL en 2015, Les Immobiles, un travail photographique et un livre, réalisés avec Thibaut Brunet dans le cadre du prix Carte blanche PMU. « J’ai passé deux mois dans plusieurs bars PMU du Pas-de-Calais à observer et à échanger avec les clients qui pariaient sur les courses de chevaux, mais aussi sur le vol de pigeons voyageurs. C’est un projet autour de l’envol, de la course, mais aussi de l’immobilité. L’homme qui élevait les pigeons était en liberté conditionnelle, il portait un bracelet électronique « bagué comme un pigeon », disait-il ». A la fois livre et travail photographique, exploration de l’humain dans sa relation au non humain, en l’occurrence l’animal, Les Immobiles est emblématique du travail de Léa Habourdin, que l’on pense aux Chiens de fusil (Prix MAD 2014) où elle établit une analogie entre les forces qui sous-tendent les rapports humains et celles qui sont à l’œuvre dans le règne animal ou à and everything becomes nothing again réalisé à partir d’images de rapaces captées via une webcam placée dans leurs nids. « Ces images qui filment leur quotidien depuis la ponte des œufs jusqu’au moment où les jeunes oiseaux quittent le nid, nous donnent à voir ce qui est d’ordinaire invisible : en quelque sorte la vie privée des oiseaux, des gestes que nous reconnaissons très bien même s’ils sont différents des nôtres. Il y a là une manière de décentrer l’humain mais aussi d’éprouver le rapport complexe que nous entretenons avec le reste du vivant, fait à la fois d’attirance et de mélancolie. Aujourd’hui on parle beaucoup de « solastalgie », c’est-à-dire d’anxiété à voir le vivant s’effondrer. Ce n’était pas mon propos quand j’ai commencé à travailler sur ces images, si je parle de catastrophes, c’est avec une force poétique. » Pourtant sans qu’elle l’ait prémédité, son travail rencontre notre nouvelle vision du monde. « Il y a quelques années, j’avais fait une photo d’un ours blanc qui avait beaucoup frappé. Aujourd’hui, malgré moi, l’image a une dimension politique puisque les ours blancs sont en train de disparaître et qu’on ne peut les regarder sans être frappés de « solastalgie ». Je réfléchis beaucoup en ce moment à cette approche poétique qui se transforme en revendication politique. On pourrait regarder une forêt qui lutte pour survivre comme un peuple qui se soulève… »
L'auteur
Nadine Vasseur est journaliste et écrivain. Productrice du magazine Panorama sur France Culture pendant quinze ans, elle est, par ailleurs l'auteur de nombreux livres d'entretiens et de livre d'art parmi lesquels " Les Plis" et "Les Incertitudes du corps" parus aux éditions du Seuil. Elle a publié en 2019 "Simone Veil. Vie publique. Archives privées" aux éditions Tohu Bohu.
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